Vin & Hémochromatose : Boire moins, mais mieux

 

Ce n’est pas le sujet le plus sexy à raconter au dîner, mais moi aussi, on m'a découvert qu’on avait une ferritine trop haute. Après des analyses plus poussées le verdict est tombé je suis homozygote et donc malade de l’hémochromatose, cette maladie où le corps stocke trop de fer. On pensait que ça arrivait qu'aux autres, ou qu'aux générations d’avant. Et pourtant. Résultat : adieu les charcuteries, le vin quotidien, les viandes rouges, ... bonjour les saignées régulières – et non, pas les rosés malheureusement !

Mais alors... fini le vin ? Quand ça fait 20 ans que l’on baigne dedans c’est dur à encaisser !

On a fait nos devoirs. Et quelques lectures scientifiques (et naturopathiques) en chemin.

Quand le fer devient trop présent

L’hémochromatose est une maladie génétique silencieuse qui touche environ une personne sur 300 en France, soit près de 200 000 personnes porteuses de la mutation C282Y/C282Y. Ce trouble métabolique entraîne une absorption excessive du fer alimentaire, que le corps ne parvient pas à éliminer efficacement. Résultat : le fer s’accumule insidieusement, en particulier dans le foie, le pancréas, le cœur… jusqu’à provoquer de graves complications si rien n’est fait.

Et le vin dans tout ça ?


Paradoxalement, le fer n’est pas directement dans le verre, mais l’alcool qu’il contient peut aggraver la situation. Pourquoi ?
Parce qu’il stimule l’absorption intestinale du fer… et favorise la production de ferritine, la fameuse protéine de stockage qui grimpe en flèche chez les personnes atteintes d’hémochromatose.

Selon la thèse de Philippe Saliou (Hémochromatose HFE : influence de facteurs génétiques et non génétiques sur l'expression phénotypique), ce n’est pas l’alcool le déclencheur principal de la surcharge en fer, mais bien la mutation homozygote elle-même.
Même en l’absence d’alcool ou d’autres facteurs de risque, les personnes C282Y/C282Y peuvent développer une surcharge sévère.

Mais cela ne signifie pas que l’alcool est anodin :

Chez ces patients, une consommation régulière augmente le stress oxydatif hépatique, et peut accélérer la progression vers la fibrose ou la cirrhose.

le remède principal et médicalement validé pour l’hémochromatose, c’est la saignée régulière (ou phlébotomie).

Pourquoi la saignée est essentielle :

  • Elle permet de diminuer directement la quantité de fer dans le sang en retirant du sang, ce qui force l’organisme à mobiliser le fer stocké pour refaire du sang neuf.
  • Environ 500 ml (un demi-litre) de sang par séance, ce qui correspond à environ 200 à 250 mg de fer éliminés à chaque saignée,
  • Et non on ne peut pas faire une saignée tous les lendemains de fiesta après avoir bu 2-3 bouteilles.

 

Alors, quand on aime profondément le vin, mais que le corps dit stop au fer… que faire ?

 

Fin du verre quotidien, place aux instants sacrés

Quand on vit avec une surcharge en fer, la règle la plus importante, c’est celle-ci : réduire, drastiquement.

Pas besoin de bannir le vin. Il suffit de lui redonner sa place : celle d’un rituel rare, choisi, vibrant. Fini le verre automatique du soir. On réserve le vin aux vrais moments. Un dîner entre amis. Un dimanche à table. Un mariage. Un plateau de fromages. Une émotion.

Bonne nouvelle : l’arrêt de l’alcool fait chuter la ferritine en 2 à 3 semaines. C’est rapide, et franchement motivant pour faire une pause.

L’approche à adopter, transformer la modération en plaisir, et faire de chaque verre un moment de qualité.

Rouge ou blanc ? Le piège du blanc…

Tous les vins ne se valent pas face à l’absorption du fer. Voici ce qu’il faut savoir :

Le vin rouge tannique

Le vin rouge est votre meilleur allié. Il contient beaucoup de tanins et de polyphénols, comme le resvératrol, qui aident à réduire l’absorption du fer dans l’intestin. Plus un vin rouge est structuré et tannique, mieux c’est. Les cépages comme le Pinot noir, la Syrah, le Mourvèdre, le Grenache ou le Merlot sont parfaits. Ils viennent souvent de terroirs vivants, riches en bonnes choses.

Le vin orange

Le vin orange est un vin qui macère avec ses peaux, un peu comme le vin rouge. Il contient donc aussi des tanins et des polyphénols. Il agit donc de façon similaire au vin rouge, en limitant l’absorption du fer. C’est une bonne alternative si vous cherchez un goût plus floral ou épicé.

Le vin blanc

Le vin blanc est le plus délicat dans ce cas. Il est pauvre en tanins et très acide, ce qui favorise l’absorption du fer. Cela peut être encore pire si vous le buvez avec des aliments riches en viande ou en vitamine C (comme les poivrons, les tomates ou les agrumes). Il faut donc faire attention avec le vin blanc.

Le rosé, c’est un peu différent

Il existe deux types de rosé :

  • Le rosé de pressée est fait comme le vin blanc, sans macération. Il est donc pauvre en tanins et favorise aussi l’absorption du fer.
  • Le rosé de saignée macère un peu avec les peaux, ce qui lui donne un peu de tanins, proche du vin orange. Il peut donc limiter un peu l’absorption du fer.


Le resvératrol : un allié dans le verre ?

Le resvératrol est un antioxydant naturel qu’on retrouve :

  • dans le vin rouge et orange (en particulier dans les cépages précités),
  • dans les baies très colorées (myrtilles, mûres, framboises),
  • dans le chocolat noir.

C’est une molécule star en nutrition et ce serait celle responsable du « French Paradox » : elle protège le cœur, soutient le cerveau , régule le sucre dans le sang, et jouerait un rôle positif face à la surcharge en fer.

À noter : la teneur en trans-resvératrol varie fortement selon la région viticole. Parmi les cinq plus grands pays producteurs de vin, la France arrive en tête, devant l’Australie, l’Italie, l’Espagne, puis les États-Unis. Encore une bonne raison de préférer des rouges français de qualité, issus de terroirs respectés.

⚠️Attention : même si le resvératrol est prometteur, il ne compense pas les effets négatifs de l’alcool. C’est l’équilibre global qui compte.

 

Et les vins bios, biodynamiques et natures dans tout ça ?

Il n’existe pas de preuve directe que le label de production du vin réduit l’absorption du fer. En revanche, ces vins sont souvent moins sulfités, moins manipulés, plus “vivants”, ce qui peut mieux convenir aux personnes sensibles ou engagées dans une démarche santé globale.

Quand chaque verre compte, autant le choisir avec soin.

 

Aliments à limiter : mieux choisir, sans tout bannir

Adapter son alimentation face à l’hémochromatose ne signifie pas tout supprimer, mais comprendre quels aliments peuvent accroître l’absorption du fer, voire nuire à long terme à l’organisme lorsqu’ils sont mal combinés. Voici les grandes catégories à surveiller.

Suppléments et produits enrichis en fer

De nombreux compléments alimentaires, notamment les multivitamines destinées aux femmes, contiennent du fer. Il est crucial de vérifier les étiquettes et de privilégier des alternatives sans fer ajouté. De même, les céréales, farines, pâtes ou pains industriels peuvent être enrichis — volontairement — en fer. Un simple coup d’œil à la liste d’ingrédients peut révéler la présence de termes comme ferreux, ferrique ou Fe. Dans le doute, mieux vaut privilégier les produits bruts ou artisanaux.

il faut également éviter systématiquement les compléments de vitamine C (sous forme de gélules, poudres ou boissons enrichies), car cette vitamine augmente fortement l’absorption intestinale du fer.

Viandes, fruits de mer crus et graisses animales

Les protéines animales — bœuf, agneau, foie, gibier — sont riches en fer héminique, facilement absorbé (jusqu’à 100 %) par les personnes atteintes d’hémochromatose. Pire encore, elles peuvent augmenter l’absorption du fer non héminique présent dans les légumes consommés en même temps. À cela s’ajoute le risque sanitaire des fruits de mer crus (comme les huîtres ou les coquillages), pouvant contenir des bactéries dangereuses chez les individus à forte charge en fer. Quant aux graisses animales, elles favorisent la formation de radicaux libres lorsqu’elles interagissent avec le fer, ce qui peut engendrer des dommages cellulaires.

Le poisson en conserve (thon, sardines) et certains crustacés cuits peuvent aussi contenir beaucoup de fer et doivent être consommés avec modération.

Fructose et sucres transformés : les ennemis silencieux

Un excès de fructose — qu’il soit naturel (certains fruits) ou industriel (sirops, sodas, sauces) — peut augmenter les stocks de fer dans l’organisme en le rendant plus biodisponible. Pour éviter cela :

  • Préfère des fruits pauvres en fructose comme la banane ou la myrtille.

  • Limite les jus de fruits, même maison.

  • Évite les produits contenant du sirop de maïs riche en fructose (souvent indiqué sous l’acronyme SMHTF).

  • Réduis ta consommation de sucre de table, et explore des alternatives comme la stévia, le sucre de coco ou le sirop d’érable.

Les “faux amis” : aliments sains mais pro-fer

Certains aliments bons pour la santé favorisent pourtant l’absorption du fer. L’idée n’est pas de les supprimer, mais de les consommer à distance des repas riches en fer :

  • Caroténoïdes : bêta-carotène des carottes, patates douces, tomates...

  • Vitamine C : présente dans les agrumes, fraises, brocolis…

  • Aliments acides : jus d’orange, vinaigre, sauce tomate, soja…

  • Aliments fermentés : miso, kimchi, choucroute, kombucha...

⚠️ Limité les aliments riches en fer héminique Viandes rouges (bœuf, agneau, gibier) , abats (foie, rognons).

Aliments les plus riches en fermg/100 g
Boudin noir cuit22
Viande de pigeon rôti20
Foie (veau, porc, agneau) , palourde14
Cacao en poudre, lièvre en ragoût, foie de volaille10-12
Rognon cuit, farine de soja, faisan, lentilles sèches8-9
Moule, germe de blé, haricot blanc sec, pistache rôtie7-8
Foie gras, huître, foie de veau, pâté de campagne, persil frais, chevreuil rôti, froment, abricot sec, noix de cajou, Müesli5-6
Amande, flocon d’avoine, bulot, viande de cheval, noisette, rosbif rôti, crevette cuite, épinard, lentille cuite, pissenlit, bifteck, datte sèche3-4
petit pois cuits, haricots blancs cuits2-3

Source: Ciqual

⚠️ Eviter de consommer du fer avec des aliments riches en vitamine C ou acide.

Mais un déjeuner végétarien peut très bien inclure du kimchi ou un jus d’orange frais, à condition de ne pas y associer une viande rouge ou un vin riche en fer. C’est une question de rythme, pas de privation.

⚠️ Attention aux ustensiles de cuisine Évitez les cocottes et poêles en fonte non revêtue : elles libèrent du fer pendant la cuisson, surtout avec des aliments acides comme les tomates ou le vin. Une simple sauce tomate cuite dans une poêle en fonte peut multiplier par dix sa teneur en fer. Préférez les ustensiles en inox ou à revêtement antiadhésif.

Astuces pour freiner l’absorption du fer au quotidien

 Pour accompagner votre démarche, pensez aussi à intégrer pendant les repas :

Thé noir jusqu’à 90 % d’inhibition du fer non-héminique, mais aussi La menthe poivrée la diminue de 84%, le cacao de 71%, la verveine de 59%, le tilleul de 52% et la camomille de 47% et partout où il y a des Polyphénols (épices, pommes, baies, café)
Phytates (légumineuses, céréales complètes non trempées)
Oxalates (épinards, rhubarbe, persil, fraises)
Calcium de préférence végétal mais ne pas se priver de fromage


En résumé

? Une alimentation pauvre en fer ne signifie pas une alimentation triste. Elle doit être variée, équilibrée, et associée au traitement médical (saignées). Le vrai secret, c’est de conjuguer rigueur (éviter les excès) et plaisir (savourer chaque moment).

Oui, on peut continuer à aimer le vin… avec des règles :

  • Pas tous les jours, mais uniquement pour de vrai moment (une fois par semaine)
  • Pas 12 verres non plus le vendredi soir, mais 2-3 maximum idéalement 4 verres en occasion spéciale
  • On privilégie un verre de rouge tannique, ou bien de vin orange français, riches en polyphénols
  • On n'oublie pas de prendre un thé noir ou à minima un café ou une infusion à chaque repas pour limiter absorption de fer
  • ✅ Privilégier un apport suffisant en calcium (produits laitiers ou équivalents végétaux enrichis) car il agit comme un frein naturel à l’absorption.
  • Éviter d’associer de fortes sources de vitamine C en dessert ou des vins acides avec des repas riches en fer. Pas de tarte aux agrumes apres un boudin noir, ou d’accord mets et vin Muscadet avec les rognons même si ça tombe déjà sous le sens
  • Idéalement, un vin vivant : biobiodynamique, nature ou sans intrant superflu, mais ca ce n’est que mon avis

 

Si vous êtes concerné(e), parlez-en à un gastro-entérologue, un nutritionniste ou un hématologue. C’est un sujet sérieux : les saignées régulières sont le traitement le plus efficace pour contrôler la surcharge en fer — bien au-delà des seuls ajustements alimentaires.
Cela ne veut pas dire qu’il faut renoncer à tout ce que vous aimez.

Consommez moins, mais consommez mieux.